Après le binge drinking, les ravages de la Neknomination, le nouveau phénomène d’alcoolisation extrême en ligne
Après le binge drinking, les ravages de la Neknomination, le nouveau phénomène d’alcoolisation extrême en ligneTout droit venue d’Australie, la « Neknomination » est un nouveau phénomène d’alcoolisation extrême qui touche principalement les jeunes en détresse. Aidée par Internet et la profusion d’information, cette mode a déjà tué 5 adolescents.Atlantico : La Neknomination est une tendance qui vient d’Australie et qui a fait le tour du monde sur la toile en moins d’un mois. Le principe est de boire cul-sec une boisson alcoolisée en se filmant, puis de transmettre la vidéo à trois contacts, qui doivent à leur tour faire de même. Ce phénomène rappelle largement celui du binge drinking, encore à la mode. Quelle est la différence majeure entre les deux phénomènes d’alcoolisation extrême ? Y a-t-il une différence concrète sur la réaction physiologique du fait d’être accompagné d’amis ou d’être seul ?
Georges Picherot : La différence est fondamentale. La Neknomination se fait seul, dans une relation complètement virtuelle, sans aucune intervention possible. On aurait pu penser que l’incitation virtuelle pouvait entraîner une réponse virtuelle du style « faire semblant de ». C’était sans tenir compte de cette avidité aux défis et aux risques qui dépassent l’essai.
Sur le plan physiologique les conséquences peuvent être les mêmes, sauf que les premiers signes de l’intoxication aiguë ne vont pas être repérés…
Pour l’un il s’agit de s’alcooliser en quelques minutes tout seul, pour l’autre en quelques heures avec des amis. Le fait que la Neknomination soit un phénomène en ligne change-t-il la donne ?
Ce qui est terrible, et très lié à internet, c’est la diffusion mondiale de ces faits divers dramatiques et l’identification à un défi dont le nom nouveau a été inventé et reconnu plus rapidement que toute autre expression. Les réseaux ont une résonance particulière chez les jeunes. Se montrer est un phénomène lié au net. La Neknomination rappelle le Cyber Bullying et le Happy Slapping : « se montrer et montrer les autres dans la pire décadence.
Quels sont les seuils que le « neknominé » ne peut pas atteindre, quels que soient sa corpulence, son âge, son état physiologique ?
Les seuils sont directement dépendants du titre d’alcool des boissons.
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Le seuil d’alcoolémie qui induit une mortalité est difficile à prévoir. Au-dessus de 2 g/l la plupart des jeunes et des adultes sont dans le coma. Le seuil de 4g/l est en principe létal.
Mais l’augmentation rapide de l’alcoolémie de type Binge Drinking ou Neknomination est sûrement beaucoup plus létale, d’autant que les sujets n’ont pas « d’habitude de consommation ».
Tous les jeunes peuvent-ils être susceptibles de jouer à ce jeu d’alcoolisation extrême ou ce phénomène touche-t-il principalement une population victime d’un mal-être ? Que se passe-t-il dans leur tête lorsqu’ils se soumettent à ce « jeu » ?
Pour moi, comme pour le Binge Drinking, les jeunes qui prennent ces risques dans ce contexte sont dans la plupart des cas en difficulté au moment du geste. Difficulté ne veut pas dire « maladie psychiatrique ou autre », mais plutôt une situation de mal-être très fréquente à l’adolescence. L’isolement qui expose à ces relations du virtuel traduit un malaise. Je ne pense pas que tous les adolescents puissent faire ce type de geste. Mais ce constat est le même pour les gestes suicidaires dont certains ont pu être associés à une mise en scène de type internet.
Un jeune bordelais « neknominé » a créé la surprise générale en répondant au défi non pas en buvant cul-sec son verre mais en allant donner des sandwichs à des personnes dans le besoin. Il a appelé son propre phénomène la Smartnomination. Sa bonne action a-t-elle une chance de se propager aussi vite que la bêtise de la Neknomination ?
J’ai vu avec intérêt sa vidéo qui montre qu’on peut faire autre chose comme défi avec l’aide des réseaux internet. La prévention de ce type de phénomène passe plus par les pairs que par les soignants. Son initiative est bonne. Tout le problème est l’attirance de jeunes en difficultés par l’auto destruction plus que par les actions positives. Comme toujours, les techniques nouvelles ont beaucoup de difficultés à mettre en place des cadres et des limites. Du côté des adultes et des médias, il faut sans doute tout faire pour éviter une publicité malencontreuse pour ces gestes qui sont surtout des manifestations de l’avidité pour l’extimité.
Propos recueillis par Marianne Mura ( Atlantico)