Baclofène contre l’alcoolisme. Le recours d’une patiente examiné au Conseil d’État
Le Conseil d’État a examiné ce vendredi le recours d’une patiente utilisant le Baclofène comme traitement contre l’alcoolisme, alors que l’Agence du médicament a interdit sa commercialisation à forte dose, suscitant la polémique.
La controverse autour du Baclofène, relaxant musculaire, utilisé dans le traitement contre l’alcoolisme est débattue ce vendredi au Conseil d’État. L’Agence du médicament avait décidé d’abaisser la dose maximale de baclofène autorisée « au titre de la sécurité » en juillet. Une décision contestée par des patients.
Une patiente avait saisi cette instance pour demander de suspendre en urgence la décision d’abaisser la dose maximale autorisée (à 80 mg par jour contre 300 auparavant), prise en juillet par l’Agence du médicament (ANSM).
Une décision mise en délibéré
Au terme de cette audience d’une heure et demie environ, le Conseil d’État a mis sa décision en délibéré et devrait la rendre d’ici quelques jours.
« Nous ne nions pas que le baclofène peut avoir un intérêt et a résolu le problème de certaines personnes » mais il doit « être traité comme les autres médicaments », a insisté le directeur général de l’ANSM, Dominique Martin. Selon lui, l’évaluation d’un médicament ne peut dépendre uniquement de cas individuels.
Un risque de décès accentué
Pour prendre sa décision, l’ANSM s’est appuyée sur une étude basée sur des chiffres de l’Assurance maladie. Cette dernière conclut que le baclofène à fortes doses (plus de 180 mg par jour) fait plus que doubler le risque de décès par rapport aux autres médicaments contre l’alcoolisme, et accroît de 50 % le risque d’hospitalisation.
La décision de l’ANSM a été critiquée par plusieurs spécialistes, qui dénoncent un manque de concertation, un risque de rechute pour les alcooliques traités par baclofène et contestent la validité même de l’étude
Un risque de rechute des patients alcooliques
« À aucun moment vous n’avez pensé que vous empêcheriez des alcooliques de se soigner en surinterprétant des résultats d’une étude discutable ? » a demandé l’avocat de la patiente, François Sureau, à M. Martin.
Quatre spécialistes ont soutenu la demande de la plaignante au Conseil d’État : le professeur de psychiatrie Bernard Granger, le Dr Renaud de Beaurepaire, l’un des premiers à avoir prescrit du baclofène à fortes doses en France, le professeur Philippe Jaury et l’épidémiologiste Catherine Hill.
Le baclofène, prescrit comme relaxant musculaire, est autorisé depuis 2014 pour traiter la dépendance à l’alcool, grâce à une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). C’est dans le cadre de cette RTU que la dose maximale a été abaissée.
Des pharmacies refuseraient de délivrer le médicament
L’ANSM fait valoir que des médecins ont toujours la possibilité de prescrire le baclofène aux doses qu’ils estiment pertinentes, en dehors de la RTU.
À l’inverse, les défenseurs de la plaignante estiment que la « communication alarmiste » de l’ANSM a conduit des pharmacies à refuser de délivrer du baclofène à des patients qui prenaient de fortes doses.
La patiente, épouse du fondateur de l’association Baclohelp, a déposé un deuxième recours, sur le fond celui-là, qui sera examiné à une date inconnue.
Parallèlement, l’ANSM étudie une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) du baclofène visant spécifiquement le traitement de l’alcoolisme, déposée par le laboratoire Ethypharm.