. Boire un «simple» verre de vin chaque jour pendant toute la grossesse, c’est donner à son bébé 270 fois 10 grammes d’éthanol.
Même à faible dose, l’alcool consommé par les femmes enceintes a une indicence sur le développement du bébé.
Il est des domaines où le doute ne doit pas profiter à l’accusé. La consommation d’alcool, même faible, par les femmes enceintes en est un. Pourtant, faute de preuves solides sur les dangers d’une faible consommation, ce message d’éviction absolue peine à passer : plus de 20 % des femmes continuent à boire quand elles sont enceintes, selon l’enquête Périnatale 2010 de l’Inserm.
Il est bien établi que maternité et abus d’alcool font très mauvais ménage. Sous sa forme la plus grave, le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) associe des anomalies dans la forme du visage, un retard de croissance et un déficit mental . Le SAF toucherait au moins 1 % des naissances (soit 8000 nouveau-nés par an), selon des estimations jugées par les experts en deçà de la vérité, et il serait la cause la plus fréquente de déficit mental évitable.
À moins de 2 verres par jour, en revanche, les dangers sont mal connus. Or «il n’est pas toujours facile de dire aux femmes enceintes de ne pas boire du tout, sans preuve solide», regrette le Pr Michel Reynaud, addictologue, président du Fonds action addictions et concepteur du portail Internet Addictaid.
Une équipe de l’université de Melbourne (Australie) publie dans la revue Jama Pediatrics une étude montrant que l’apparence physique caractéristique des enfants souffrant du SAF peut être retrouvée chez des bébés exposés à l’alcool durant la grossesse, même à de plus faibles doses. «Ce type d’études est important car certains essaient de remettre en cause le dogme du zéro alcool pendant la grossesse» au motif que les preuves manquent, met en garde le Pr Mickaël Naassila, directeur du groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances à l’Inserm.Les auteurs ont analysé la morphologie faciale de 415 enfants nés dans des maternités accueillant des grossesses à bas risque. Recrutées au début de la grossesse, les mères indiquaient leur consommation (fréquence, quantités, types d’alcool) dans les trois mois précédant la grossesse, puis tout au long de celle-ci. À 1 an, le visage et le crâne des bébés étaient photographiés en 3 dimensions.
Les auteurs ont eu la surprise de retrouver, même chez les enfants faiblement exposés (moins de 7 verres par semaine et jamais plus de 2 verres en une occasion) et même si les mères avaient cessé de boire au cours du 1er trimestre de grossesse, des traits caractéristiques du syndrome d’alcoolisation fœtale en particulier «autour du milieu du visage, du nez, des lèvres et des yeux», écrivent les auteurs. Ces modifications morphologiques étaient fines et tellement subtiles qu’elles n’étaient pas détectables à l’œil nu. «L’un des mérites de cette étude est de mettre en lumière le potentiel de l’imagerie faciale pour améliorer le diagnostic», écrivent les auteurs d’un éditorial associé à la publication. Un enjeu important pour une prise en charge précoce, surtout dans les formes incomplètes du syndrome.Mais l’étude montre surtout que même à faible dose, l’alcool a une influence sur le développement du fœtus. «Le dimensionnement et le positionnement des éléments de la face démarrent 17 à 18 jours après la conception, avant que la plupart des grossesses soient reconnues», expliquent les auteurs. «Si les auteurs ont retrouvé des anomalies faciales à faible dose, il y a une certaine logique à penser que des anomalies cérébrales puissent aussi apparaître», juge le Pr Michel Reynaud.