Le tabac, qui tue environ 200 personnes par jour en France, est plus particulièrement risqué pour les femmes qui boivent à l’excès
TABAGISME – Le tabac, qui tue environ 200 personnes par jour en France, est plus particulièrement risqué pour les femmes qui boivent à l’excès, selon une étude publiée mardi avant la journée mondiale contre le tabac. « Chez les femmes consommatrices excessives d’alcool, les risques de décès associés aux tabac sont significativement plus élevés que chez celles qui consomment pas ou peu d’alcool », soulignent des experts du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) et de l’Inserm dans un article publié dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH).
Ce risque est moindre chez les hommes gros fumeurs consommant beaucoup d’alcool.
Vaste enquête épidémiologique
Les spécialistes ont basé leur travaux sur les données recueillies dans une vaste enquête épidémiologique européenne, Epic, portant sur plus d’un demi-million de personnes.
Pour cette étude, les données de 380.000 sujets ont été retenues. Ceux-ci âgés de plus de 40 ans ont été suivis sur plus de 12 ans en moyenne. Durant cette période, 26.411 d’entre eux sont morts.
Les chercheurs ont pu établir que le taux de mortalité des fumeurs était « supérieur de 1,5 à 3 fois à celui des non-fumeurs », ce qui confirme les résultats « d’études antérieures ».
Arrêt du tabac bénéfique pour la santé
Ils ont aussi pu vérifier que l’arrêt du tabac était bénéfique: les personnes ayant arrêté de fumer ont des « risques semblables » à celles qui n’ont jamais fumé face aux décès par cancers liés au tabac, par maladie cardiovasculaire et par affection pulmonaire.
Les bénéfices sont plus importants chez ceux qui ont arrêté la cigarette depuis plus de dix ans, avec une « mortalité globale » similaire entre ceux qui n’ont jamais fumé et ceux qui ont arrêté le tabac depuis plus de dix ans, notent les chercheurs.
Sur une échelle de risque (« hazard ratio ») placée à 1 pour les hommes qui n’ont jamais fumé, le risque global de mortalité est évalué à 1,38 pour ceux qui fument de 1 à 15 cigarettes par jour, à 1,86 pour ceux fumant 16 à 26 cigarettes et à 2,44 pour ceux fumant plus de 26 cigarettes.
Risque amplifié pour les femmes qui boivent
Les chiffres sont identiques pour les femmes (risque global de mortalité évalué entre 1,32 à 2,44 chez les fumeuses) mais le risque de décès apparaît amplifié pour celles qui boivent beaucoup.
Ainsi, le risque de mortalité globale grimpe 3,88 pour les femmes qui fument plus de 26 cigarettes et boivent l’équivalent de plus de 30 grammes d’alcool par jour, alors que pour la même catégorie chez les hommes, le risque est évalué à 2,38.
Il y a « plus de risque de décès (chez les grandes fumeuses) si elles consomment aussi une quantité excessive d’alcool », observent les scientifiques qui ne fournissent pas d’explication dans leur article.
Nouvel élan
Dans ce numéro du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) publié avant la journée mondiale sans tabac (31 mai), le professeur Yves Martinet, ex-président de l’Alliance contre le tabac, appelle à un « nouvel élan » en France contre la cigarette alors que la consommation « réaugmente depuis 2005, en particulier chez les femmes et les classes défavorisées ».
Des mesures anti-tabac pourraient être annoncées prochainement par le gouvernement. La ministre de la Santé Marisol Touraine avait promis un « volet tabac » dans le cadre d’une « grande loi de santé publique » pour 2013 et s’était déclarée « à titre personnel » intéressée par l’expérimentation des « paquets neutres ».
Cette mesure, qui consiste à rendre uniformes les paquets de cigarettes, sans logo et ni couleur, est appliquée depuis fin 2012 en Australie et vise à dissuader les acheteurs de tabac.
« Combiné à des avertissements sanitaires de grande taille (…), l’emballage neutre est un outil de prévention efficace qui serait indolore sur le plan financier », juge dans le BEH la spécialiste de l’École des hautes études en santé publique, Karine Gallopel-Morvan.