Mourir du tabac en France, sous Macron comme sous Hollande
Le «paquet neutre»? Inefficace. Le «paquet à 10 euros»? Peut-être… en 2020. Le nouveau président de la République et le gouvernement tardent à mettre en place une véritable politique contre les considérables dégâts du tabagisme.
Huit mois plus tard, la fumée se dissipe et le tableau n’a rien de réjouissant. Pour Marisol Touraine, ministre de la Santé de François Hollande, c’était la mesure phare, historique, dans la lutte contre la «principale cause de mort évitable». Las, rendue obligatoire depuis le 1er janvier, la mise en place du «paquet neutre» de tabac n’a pratiquement rien changé aux habitudes des fumeurs. C’est là une conclusion fondée sur les chiffres officiels de l’évolution du marché, en hausse de près de 1% en juillet dernier –une conclusion aussitôt contestée par quelques-uns des acteurs institutionnels de la lutte anti-tabac. Ainsi, le Comité national contre le tabagisme voit-il dans cette lecture «une manipulation des journalistes et de l’opinion publique» visant à faire croire que le paquet neutre est, en France, un «échec ».
«Manipulation» ou pas, c’est bien un échec. À dire vrai, la surprise eût été que ce nouveau paquet soit, à lui seul, un levier efficace pour réduire la consommation de tabac. Comment imaginer que la disparition de la partie la plus voyante des marques et logos publicitaire soit de nature à réduire l’intensité des liens de dépendance dont souffrent la quasi-totalité des fumeurs réguliers? Le seul fragile espoir sanitaire qui pourrait être associé à ce paquet neutre tient, comme on le précise à la Direction générale de la Santé, aux possibles effets à long terme sur les consommateurs novices: ne pas entrer dans la spirale addictive du tabac du fait du caractère répulsif de la «neutralité» du paquet de cigarettes. C’est là une hypothèse d’une grande fragilité à laquelle aucun spécialiste d’addictologie n’apporte véritablement de crédit.
Dans le meilleur des cas, le «paquet neutre» n’a de sens qu’en tant qu’élément d’une politique anti-tabac volontariste et structurée associant, outre l’apparence du contenant, une augmentation importante et constante de son prix et une aide globale apportée aux malades dépendants que sont les consommateurs quotidiens de tabac. Or, la mesure voulue et défendue par Marisol Touraine sous le précédent quinquennat n’a pas été associée à une politique d’augmentation des prix. Comment, dès lors, s’étonner que le «paquet neutre» ait été sans effet sur la consommation? Et qu’attendre, sur ce chapitre sanitaire essentiel, du nouvel exécutif?
Une France «un peu seule» et un pouvoir paniqué
Interrogé il y a quelques jours par RTL, Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes Publics, expliquait que l’effet du paquet neutre ne pouvait être maximal que dans le cadre d’une harmonisation européenne. Selon lui, pour le moment, «la France a été un peu seule». Gérald Darmanin oublie ici de rappeler que la France est aussi, et de loin, le pays européen où l’on consomme le plus et le pays qui paie le plus lourd tribut au tabagisme: plus de 30% de la population adolescente et adulte fume et on recense chaque année près de 80.000 morts prématurées dues au tabac.
En avril dernier, le site des buralistes avait résumé les engagements et promesses du candidat Macron en matière de lutte contre le tabagisme: augmentation «rapide» du prix du paquet à 10 euros suivie d’une harmonisation européenne «de façon à limiter l’impact de la contrebande, ce qui permettra ensuite d’aller au-delà de ces 10 euros»; «politique de promotion et d’éducation à la santé, notamment dans les établissements scolaires», le paquet neutre constituant une «étape majeure» de cette politique.
Par la suite, le Premier ministre Edouard Philippe, dans sa déclaration de politique générale, puis la ministre de la Santé Agnès Buzyn ont repris a minima les promesses du candidat. «En matière de lutte contre le tabac, il nous faut assumer des choix courageux, a expliqué Édouard Philippe. Chaque année, le tabac, en France, est la cause de 80.000 décès. C’est la première cause de mortalité évitable et la consommation quotidienne de tabac augmente chez les adolescents. Ne rien faire est exclu. Nous porterons progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros en luttant sans merci contre les trafics qui minent cette politique de santé, autant qu’ils fragilisent ceux qui respectent la loi.»
Slate.fr Jean-Yves Nau (789 articles)
Journalist